Histoire d’une « Société savante »

Constituée au cours de l’hiver 1904-1905, l’association des Amis du Vieux Chinon a tenu, le 22 janvier 1905, sa 1ère assemblée générale constitutive, sous la toute nouvelle forme associative créée par la loi du 1er juillet 1901. C’est en 2013, sous la présidence de Frédéric de Foucaud, à l’issue de « cent neuf » années d’existence, que la Société a décidé de faire « sang neuf » en changeant de nom pour devenir « Société d’Histoire de Chinon Vienne et Loire ».

1- Plus de 120 années d’existence au service du patrimoine chinonais

120 ans et 11 président(e)s

Depuis bientôt 120 ans qu’elle existe, la « Société savante » des Amis du Vieux Chinon n’a connu que onze président(e)s :

  • Eugène Faucillon, médecin (1905-1908),
  • James Picot, architecte municipal (1908-1913),
  • Eugène Meschin, avocat (1913-1918),
  • Joseph Fougerat, conservateur des hypothèques (1918-1921),
  • Justin Richard, « propriétaire à Chinon » (1921-1935),
  • André Boucher, enseignant (1935-1977), soit pendant près de 42 ans,
  • Raymond Mauny, universitaire (1977-1986),
  • Michel Garcia, universitaire (1986-2006),
  • Martine Humbert-Pelletier, universitaire (2006-2007),
  • Geneviève Laurent, (2007-2008),
  • Frédéric de Foucaud, producteur audiovisuel, depuis 2008.

Il convient par ailleurs de souligner que les présidents de la Société se sont toujours, au fil du temps, appuyés sur des équipes (bureau et conseil d’administration) à la fois stables mais régulièrement renouvelées. Ainsi, encadrant le long mandat d’André Boucher, Justin Richard et Raymond Mauny furent-ils longtemps vice-président avant d’accéder à la présidence. Parmi ces cas de longévité remarquables, on peut encore citer celui des trésoriers Bouchet-Roullet ou Paul Langlois, ou du vice-président René Baugin. James C. Richard, fils de Justin Richard, occupa lui aussi des postes de responsabilité, de son retour au pays en 1944 jusqu’à sa mort en 1972.

Conçue un soir d’hiver…

En 1965, à l’occasion des soixante ans de la Société, James Richard a relaté les circonstances de sa fondation, à laquelle il avait été étroitement associé par son père, témoin et acteur de l’évènement. Son récit est peut-être quelque peu romancé, mais il nous transmet l’essentiel des idées fondatrices :

« La première étincelle jaillit un soir de l’hiver 1904, à l’issue d’une réunion de caractère corporatif. Dans une des salles de notre Hôtel de Ville, autour de plusieurs conseillers municipaux, deux architectes, une majorité d’entrepreneurs et plusieurs fonctionnaires de la Ville étaient rassemblés. Avant de se séparer, les assistants échangeaient les propos les plus divers, dont l’un cependant, émergeant de cette confusion, rallia l’attention de l’assemblée. Son auteur déplorait l’inconscience et souvent l’indifférence avec laquelle étaient considérées tant de vieilles choses témoins du passé local, et plus tristement encore de ces édifices, exemples émouvants de l’architecture d’autrefois. »

L’idée naît alors d’organiser une exposition de ces « reliques » dans le but « d’éveiller, parmi les Chinonais, l’amour de notre grandeur passée ». Bientôt constituée en association, les Amis du Vieux Chinon organisent leur première exposition dans les salons de l’Hôtel de Ville du 19 au 21 août 1905, avant de se lancer dans l’action.

Sise rue haute, sur pierre ancienne

Très vite, la Société recueille de ces « reliques du passé », évoquées par James Richard, objets historiques, artistiques, domestiques ou cultuels, ce qui l’entraine, sitôt installée au 86 de la rue Jean-Jacques Rousseau, à y inaugurer un petit musée, le 1er avril 1906. Dès sa première année d’existence, elle édite un bulletin de qualité, à périodicité annuelle, qui se maintiendra et se développera jusqu’à nos jours. Elle joue alors un rôle d’alerte et de réflexion patrimoniale auprès des autorités municipales, enquêtant, exhumant, évaluant sites, édifices ou objets méritant à ses yeux un meilleur sort.

Les Amis du Vieux Chinon sont reconnus d’utilité publique par un décret du 21 décembre 1916, ouvrant la voie à un régime privilégié en matière de dons et legs. La nécessité d’exposer convenablement les objets recueillis pour mieux les préserver, amène la mairie à leur proposer, en 1921 de disposer de l’hôtel Bodard de La Jacopière. Le musée du Vieux Chinon y ouvre ses portes en 1922, entièrement géré par la Société. L’Etat et la municipalité peuvent alors lui confier en dépôt quelques œuvres de valeur venant s’ajouter à celles déjà collectées.

En 1973, après la rénovation de la maison des Etats généraux, sise au grand Carroi, à l’adresse du 44 rue Haute St Maurice, la Société obtient de la municipalité un bail d’occupation des lieux pour le franc symbolique, toutes les autres dépenses restant au demeurant à sa charge. Le musée du Vieux Chinon se trouve dès lors installé sur son site actuel, avant de devenir le musée d’Arts et d’Histoire de Chinon.

Trois musées en héritage

Arrive le XXIème siècle…
La qualité des œuvres rassemblées au musée des Amis du Vieux Chinon rend ce fonds éligible au label « Musée de France », créé par la loi « Musées » du 4 janvier 2002. Les obligations imposées par ce classement, tant en matière d’exposition au public que de conditions de conservation des oeuvres, conduisent d’abord la Société à mettre en place un système de gestion déléguée aux collectivités locales (Ville de Chinon puis Communauté de Communes Chinon Vienne et Loire).
Le musée change alors de nom et devient « Le Carroi – Musée d’art et d’histoire ».
La nécessité de faire financer par l’Etat les investissements lourds, nécessaires à la meilleure conservation du fonds (stockage, hygrométrie…), amènent finalement la Société à passer le flambeau aux collectivités locales par le biais de la donation de cette collection. Les crédits d’investissement de l’Etat sont en effet réservés aux seules personnes publiques. Cette donation « avec charges » reconnait notamment le rôle joué par la Société depuis 1905 et précise le cadre de son action future.

Outre les pièces réservées au Musée d’Arts et d’Histoire du Vieux Chinon, la Société a recueilli au fil des ans nombre d’objets liés à l’ethnographie locale, constitutifs d’un véritable fonds dédié aux Arts et Traditions Populaires, selon l’appellation alors en vogue. Au fil du temps, celui-ci a été rendu périodiquement accessible au public, tantôt sur le site de la chapelle Sainte- Radegonde, tantôt sur celui dit de la Batellerie. Là encore la gestion d’une telle collection à un niveau d’excellence excède vite le cadre du bénévolat. Aussi, reprenant une partie de ce projet, la Communauté de Communes le développe selon de nouvelles orientations pour créer en 2003 l’Ecomusée du Véron, appelé à devenir « Musée du Véron » en 2024, un « musée d’anthropologie sociale et culturelle ».

Les Amis du Vieux Chinon ont enfin absorbé, en avril 2010, l’association Connaissance de Jeanne d’Arc, également sise à Chinon et détentrice d’un fonds muséographique dédié à Jeanne d’Arc et exposé depuis 1961 dans des salles de la Forteresse royale de Chinon, propriété du Département. Distincte de la collection Musée de France, ce fonds Jeanne d’Arc demeure propriété de la Société, qui n’en mentionne pas moins l’origine Connaissance de Jeanne d’Arc sur ses cartels. Il est toujours visible à la Forteresse royale, ainsi qu’au château du Rivau, avec lesquels existent des conventions particulières.

Précurseure et partenaire de l’action publique

Au début du XXème siècle, alors que le budget d’une petite municipalité ne compte guère de crédits d’action culturelle, hormis peut-être les sommes dédiées à sa bibliothèque publique, les Amis du Vieux Chinon viennent combler un déficit d’action municipale en matière de protection patrimoniale. La Société savante joue alors un rôle moteur, quand bien même la mairie lui apporte régulièrement son soutien pour régler des problématiques ponctuelles.

120 ans après sa création, la Société d’Histoire de Chinon Vienne et Loire constate avec satisfaction l’implication toujours plus forte des acteurs locaux, Ville et Communauté de Communes, Département et Région, et naturellement de l’État, dans le domaine crucial de la conservation du patrimoine. Sa mission se situe désormais plus que jamais dans le domaine de la connaissance et de son partage, définies dans ses statuts comme le « développement du goût des études historiques ».
C’est bien ce rôle d’acteur, partenaire des collectivités publiques, qu’elle entend jouer désormais, forte de la reconnaissance qui lui est accordée en tant « qu’association de référence historique » des musées de la Communauté de Communes Chinon Vienne et Loire.

2- Une société « savante » aujourd’hui : mission, adhérents et activités

L’implication de ses adhérents, très majoritairement originaires de Chinon et de sa Communauté de Communes, permet à la Société de poursuivre les divers types d’activités énumérées dans ses statuts.

Gestion des fonds patrimoniaux

Cet axe d’activités, déjà évoqué aux § précédents, est notamment développé sous les onglets « Collections » et « Bibliothèque » du présent site. Sise également au Musée du grand Carroi, la bibliothèque de la Société d’Histoire, constitue en effet, et à part entière, un de ses fonds patrimoniaux demeuré en gestion directe.

Bulletin et édition d’ouvrages hors-série

La Société s’enorgueillit de perpétuer à un haut niveau d’exigence la publication de son bulletin annuel, dont une partie des exemplaires anciens est toujours disponible. Marquée par son éclectisme, cette publication traite, au-delà des activités de la Société, de sujets liés à la connaissance des territoires environnants. Chaque numéro aborde également une thématique particulière, récemment la guerre de Crimée vécue par des Chinonais du second Empire, des témoignages et chroniques de la Résistance en Indre et Loire, vin, vignes et vignobles en Chinonais et Nord-Vienne, ou encore « les Enfants de Rabelais » ou la franc-maçonnerie à Chinon. Les contributions sont le fait des adhérents mais le bulletin accueille également des contributions d’universitaires, dont la présence reflète la reconnaissance dont il bénéficie.

L’activité éditoriale de la Société s’étend également à la publication d’ouvrages hors-série dont les plus demandés sont Chinon, le destin d’une forteresse et Jeanne d’Arc, le destin d’une héroïne. Ces hors-série peuvent également être publiés à la suite d’un colloque ou d’une exposition, tel l’ouvrage intitulé Mégalithes, dolmens et menhirs de notre territoire. D’autres titres enfin, portant sur les Templiers à Chinon ou la Céramique régionale, attestent une nouvelle fois de l’éclectisme de la Société.

Découverte du patrimoine

L’activité, offerte aux adhérents, de visites de sites remarquables, parfois fermés au public, constitue un point fort de la découverte d’un vaste patrimoine régional, Chinon se trouvant au carrefour de la Touraine, de l’Anjou et du Poitou.

Les conférences proposées périodiquement sur des sujets régionaux, soit liés à de grandes figures du passé régional, soit liés à des monuments, sites naturels ou évènements, contribuent également à la découverte du patrimoine mais également à la réflexion sur les conditions de sa préservation. Là encore les adhérents tout comme des intervenants extérieurs peuvent proposer des thèmes particuliers.

Enfin, la Société propose, tant aux adhérents qu’au grand public, la réalisation, tous les deux ans, d’une exposition développant des thématiques, le plus souvent déjà élaborées ou étudiées dans le cadre de son activité ordinaire. Celle-ci est conventionnellement accueillie, pour une durée de 4 à 8 semaines, dans les salons de l’Hôtel de Ville de Chinon, lieu de la première manifestation de la Société en août 1905. Après les Mégalithes en 2023, 2025 sera consacrée aux Chinonais du Second Empire sous le prisme de la Guerre de Crimée.

Fédération inter-associative des sociétés d’histoire régionales

La Société d’Histoire de Chinon Vienne et Loire est par ailleurs à l’origine, en 2014, de la fédération inter-associative des Société d’Histoire Anjou-Poitou-Touraine. Celle-ci regroupe notamment les sociétés d’Amboise, Candes St Martin, Châtellerault, Loches, Loudun, Richelieu, Sainte-Maure-de-Touraine, Saumur et Tours incarnée par la Société archéologique de Touraine.

La fédération organise des journées dont la 1ère s’est tenue en 2016, à Richelieu, sur le thème de l’eau, la 2ème, en 2018, à Loches sur le thème des voies, et la 3ème, décalée à 2022 par la pandémie de COVID, à Chinon sur le thème Bâti & bâtisseurs. Les prochaines rencontres sont programmées en 2024 à Châtellerault avec comme thème les ponts. La Société d’Histoire de Chinon procède à l’édition des actes de ces colloques.

Ainsi en devenant au quotidien partie prenante de la vie de leur territoire pour mieux en colporter la mémoire, les quelques milliers de membres ayant incarné au fil du temps les Amis du Vieux Chinon, puis la Société d’Histoire de Chinon Vienne et Loire, ont permis le rayonnement de l’Histoire chinonaise et de sa Culture.