Le siège de Sébastopol vécu par le Général de Sonnay[1]
Pont de l’Alma, boulevard Sébastopol, avenue de Malakoff, rue de Crimée… Quel rapport entre ces lieux si connus de la topographie urbaine et notamment parisienne ? Un conflit oublié : la guerre de Crimée, commencée fin 1853, il y a juste cent soixante ans sous le Second Empire.
Les causes de cette première guerre moderne ? L’expansionnisme russe, déjà commencé sous Pierre le Grand…
Dans la logique de son prédécesseur, le tsar Nicolas Ier, au pouvoir depuis 1825, souhaite en effet s’installer à Constantinople pour contrôler les détroits du Bosphore et des Dardanelles. De plus, et afin de légitimer ses visées, il entend protéger les communautés chrétienne et orthodoxe de l’Empire ottoman.
En 1853, tirant argument de la préférence donnée par le sultan aux moines « latins » protégés par la France, sur les moines « grecs » soutenus par l’Empire des tsars, le gouvernement de Saint-Pétersbourg adresse à l’empire ottoman un ultimatum lui demandant d’accepter le protectorat russe. Le sultan Abdülmecit Ier ayant refusé de se plier au diktat de Nicolas Ier, ce dernier donne l’ordre à ses troupes, le 4 octobre 1853, d’envahir les provinces roumaines de l’Empire.
Ainsi le 30 novembre 1853, l’escadre russe défait la flotte turque dans le port de Sinope, prend le contrôle de la mer Noire au détriment des Ottomans et occupe la Moldavie et la Valachie. Mais cette invasion se heurte aux intérêts de la Grande-Bretagne, qui entend maintenir le contrôle de la route des Indes par le Proche-Orient et donc préserver l’intégrité de l’Empire ottoman…
Napoléon III se rapproche alors de la reine Victoria d’Angleterre et en février 1854, la France et la Grande-Bretagne demandent à la Russie de quitter les deux principautés ainsi occupées. Le 27 mars 1854 sans réponse de la Russie, les deux empires, britannique et français, déclarent la guerre à l’empire tsariste. Loin du prétexte religieux, la véritable raison du conflit repose sur une volonté d’empêcher la Russie de contrôler le commerce maritime entre la Mer Noire et la Méditerranée en lui reprenant le contrôle des détroits du Bosphore et des Dardanelles.
Alors commence le premier conflit de l’ère industrielle, avec la projection à des milliers de kilomètres de dizaines de milliers de soldats, et l’utilisation d’armes nouvelles telles que le cuirassé ou l’obus explosif. C’est aussi la première guerre que la photographie va immortaliser.
Les victoires se succéderont : le 19 septembre 1854, celle de la rivière de l’Alma efface la « défaite de Waterloo »… et le 12 septembre 1855, après onze mois de siège, la prise de Sébastopol marque la victoire finale.
Le général de Sonnay, frère du quatrième aïeul de l’auteur, fut parmi les officiers à avoir participé à cet « interminable siège », de deux mois plus long que ne le fut 650 années plus tôt, en 1205, celui de Chinon par Philippe-Auguste !…
Alfred-Alexandre-Cécile Becquet de Sonnay, né le 9 septembre 1811 à Cravant, en sa demeure familiale de Sonnay, n’était encore que chef de bataillon (commandant) au 46e régiment d’infanterie de ligne, 4ème Division du 1er Corps[2], lorsque fut déclarée la guerre de Crimée.
Après avoir fait, à ce qui s’en dit, de brillantes études au collège de La Flèche, il obtint par faveur spéciale d’entrer à Saint-Cyr à l’âge de 16 ans et le 1er octobre 1829 il était promu sous-lieutenant. C’est par la suite en qualité de lieutenant qu’il prit part au siège d’Anvers de 1832. Plus tard nous le retrouvons en Afrique avec le grade de chef de bataillon, successivement commandant supérieur des cercles de Guelma et de Philippeville. Il rentra en France en 1851 pour prendre part à la guerre de Crimée, mais à peine était-elle commencée qu’en l’espace de dix jours il fut cité deux fois à l’ordre de l’armée, et la croix d’officier de la Légion d’honneur vint consacrer son mérite avec le libellé suivant : « Etant de service de tranchée avec son bataillon dans la nuit du 13 au 14 mai, a repoussé, avec autant de vigueur que d’habileté dans le nouvel ouvrage, une attaque vigoureuse de la part des Russes. » Nommé lieutenant-colonel à la suite de ce fait d’armes, il se distinguera à nouveau le 8 septembre 1855 lors de la prise de Sébastopol.
Becquet de Sonnay…
Sise sur l’actuelle commune de Cravant (37), la terre de Sonnay est un ancien fief relevant de la Roche-Clermault, connu dès 1250 et qui échut en 1770 à Jacques-Alexandre Becquet du Vivier, Écuyer, lieutenant des maréchaux de France à Montpellier[3], conseiller-rapporteur du point d’honneur aux bailliage, ville et ressort de Chinon en 1780[4], comparaissant en 1789 à l’assemblée de la noblesse de l’Anjou et pays Saumurois.[5]
En achetant la terre de Sonnay, Jacques-Alexandre Becquet du Vivier en prit le nom.
De son mariage avec Cécile Galichon de Courchamps, dame de Courchamps[6] et de Rochemenier, il eut entre autres enfants Alexandre-Jules-Nestor (Becquet de Sonnay), écuyer, chef d’escadron d’artillerie, marié le 15 août 1801 à Anne-Claude-Aglaé de Simonet de Singly, de laquelle il devait à son tour avoir quatre enfants parmi lesquels :
– Alexandre-Fanny-Gustave Becquet de Sonnay, quatrième aïeul paternel de l’auteur, né à Tulle le 15 octobre 1809, officier de cavalerie, marié le 4 octobre 1836 à Caroline Pécard. De ce mariage[7] devait naître un fils unique, Frédéric Becquet de Sonnay[8].
– Alfred-Alexandre Becquet de Sonnay, marié le 7 juin 1852 à Jeanne Lefrançois, dont il eût deux enfants : Louis et Marthe-Aglaë Becquet de SonnayC’est à ce dernier, jeune chef de bataillon (commandant) au 46e régiment d’infanterie de ligne, 4ème Division du 1er Corps, puis ensuite au 91e régiment d’infanterie de ligne, 5ème Division du 2ème Corps, que nous nous intéresserons ici pour avoir retrouvé les lettres qu’il écrivit pendant le siège de Sébastopol à Adolphe Pécard, frère de Caroline devenue sa belle-sœur pour avoir épousé Gustave Becquet de Sonnay, son frère.
Retranscrites dans leur intégralité, ces lettres montrent ce siège vu de l’intérieur, permettant ainsi de comprendre les ressorts des « désinformations » du moment, telles qu’elles étaient abondamment colportées dans les colonnes de « L’Illustration » (Tome XXV – année 1855) auquel l’auteur a eu recours pour pourvoir aux nécessités d’illustrations de cet article.
Constantinople à bord du Christophe Colomb
le 7 Février 1855
Mon cher Adolphe, j’ai fait bon voyage 2 jours de relâche à Malte bien remplis par des courses dans l’île si pleine de souvenirs. Nous sommes arrivés ici le 5, nous ne débarquons pas, toute l’armée se réunit en Crimée, dans 3 à 4 jours nous allons faire du charbon à Bey-Cos et nous partons pour Kamiesh, nous y serons, je le suppose, vers le 15. Nous n’avons plus trouvé personne ici. Nous ignorons ce qui se passe là-bas et ce qui se prépare.
Si la passion des voyages vous reprend, venez voir Constantinople, toutes les descriptions qu’on en fait ne peuvent donner une idée d’un panorama pareil, je ne crois pas qu’il puisse exister au monde entier une position semblable, c’est admirable ! L’Europe et l’Asie se coudoient dans les rues tortueuses, boueuses et sales de cette ville immense, c’est le tohu bohu le plus curieux qu’on puisse imaginer. Je cours partout, je visite tout, je fais provision de souvenirs. J’espère revenir un jour vous raconter toutes mes impressions. Notre voyage a été très heureux, nous avons reçu un coup de vent en quittant Toulon et un autre en sortant de l’archipel, le Christophe Colomb a tenu bon, mais c’est un rude métier. Ne parlez pas de cela de peur que cela n’arrive à ma pauvre femme qui s’en inquiéterait pour l’avenir. Nous sommes tous arrivés à bon port à l’exception d’un pauvre diable de matelot que la mer a enlevé sur le pont en quittant Toulon et que l’on n’a pu sauver. Nous avons été forcés de rentrer au port dans la nuit du 24 au 25. Enfin nous nous en sommes bien tirés, grâce aux côtes de Mytilène (Lesbos) qui nous ont offert un abri contre le vent de N.E. Je ne pensais ni à Sapho ni à l’histoire grecque dans la soirée du 3 Février.
On a dirigé sur Kamiesh toutes les lettres de la 8ème division, je n’ai rien trouvé à Constantinople, j’espère que j’aurai des nouvelles en arrivant à Kamiesh. C’est là qu’il faut m’écrire de Sonnay.
Adieu, mon cher Adolphe, je vous serre la main bien affectueusement. A. de Sonnay.
Devant Sébastopol le 22 Mars 1855
Vous terminez votre lettre du 20 Février, mon cher Adolphe, en souhaitant qu’elle me parvienne dans Sébastopol. Il y a ici bien des gens qui voudraient déjà y être mais personne ne prévoit quand cela arrivera, vos journaux de France seuls le savent d’une manière certaine et ce n’est pas sans un petit mouvement de colère que nous les voyons annoncer comme toute facile la conclusion de cette affaire qui ne l’est pas du tout. L’armée a accompli ici des travaux de géante et elle continue tous les jours, je ne puis entrer dans les détails d’un siège qui ne ressemble à rien de ce qui s’est fait jusqu’à ce jour et qui sort de toutes les règles ordinaires. Pour les gens raisonnables, il n’y a qu’un moyen d’en finir : l’investissement complet qui fasse que notre ennemi ne se renouvelle pas tous les jours avec ses moyens de défense. Pour cela il faut que la France nous envoie une armée… Il faut bien des choses enfin ! On prétend que des divisions sont en route, cela nous aidera à avancer plus vite.
Avec les éléments que l’armée a eu entre les mains, elle a fait des prodiges, qu’elle continue, la place est serrée de près depuis la quarantaine jusqu’à la tour Malakoff, située près du fond de la rade, mais ne croyez pas qu’on ait pu encore y pénétrer, ces gens là se défendent à outrance, ils ont eu toutes les ressources d’un immense arsenal, on ne voit partout que batteries étagées d’un calibre énorme, ils s’arrangent toujours de manière à écraser par d’autres feux une position qu’on leur enlève et il faut batailler à l’infini pour rester maître d’une simple embuscade.
Que vous dirais-je, mon cher ami, sur cette défense. Elle est formidable pour ce que l’on voit et il est probable que nous ne voyons pas tout. Nous sommes espionnés par notre sotte facilité à montrer ce que nous faisons, chez eux rien ne transpire.
Maintenant en présence de cette résistance opiniâtre nous avançons toujours, nous faisons des sacrifices mais nous marchons, le troupier français justifie ici sa vieille réputation; cette guerre sied peu à son caractère, il la fait avec résignation.
Depuis le 24 Février que je suis installé dans notre position (nous sommes 4ème Division
du 1er Corps chargé du siège) je vais avec mon bataillon à la tranchée d’abord aux attaques du centre en réserve en partie, un jour sur trois; depuis 15 jours je vais en face du bastion du mât aux attaques de droite à l’extrémité du port de Sébastopol, pour défendre la droite du 5ème parallèle et les tranchées qui nous lient aux anglais. Pour arriver là en quittant notre camp nous gagnons la 1ère parallèle et en défilant dans les tranchées (il y en a à peu près 40 kilomètres en tout creusées dans le tuf) nous arrivons à notre poste. Il faut rester là pendant ses 24 heures et il n’y fait pas toujours beau temps ! Nous sommes à 80 mètres du bastion du mât qui pour passer le temps et retarder les travaux des batteries que nous protégeons, nous expédie toute la journée et toute la nuit suivant que l’envie en prend à ces messieurs, une grêle de bombes, d’obus, de paquets de mitraille remplis de grenades, tout cela éclate à tort et à travers et attrape qui n’a pas le bonheur d’en être garanti par une bonne chance. Joignez à cela des embuscades à 80 pas de nous qui nous fusillent toute la journée et la nuit à travers des créneaux…
Eh bien, mon cher ami, on se fait à cette vie-là, les balles que l’on salue si profondément les premiers jours vous émeuvent peu, quant aux boulets, on reste toujours poli à leur égard… les brutaux ! On se couche quand une bombe est tombée et on tend le dos à ses éclats. Tout cela n’empêche pas qu’on mette la tête par-dessus le parapet pour voir ce qui se passe en dehors et placer soi-même des embuscades la nuit; on baisse la tête à la lueur du coup de fusil et on laisse tranquillement filer ce qui se passe, vous voyez que la différence de vitesse de la lumière et des projectiles qui ressemble assez à celle du son nous est fort utile. N’allez pas vous effrayer de ces détails et croire que chaque garde doit amener de nombreuses victimes, il y en a mais elles sont rares et réellement c’est à n’y rien comprendre au milieu d’un pareil amas de moyens de destruction. Les travailleurs perdent plus de monde parce que la place vomit toute la nuit dans les endroits où elle les suppose de la mitraille des boulets ramés & &…
Quant aux sorties, elles sont fort rares et ne sont que des échauffourées toujours réprimées jusqu’ici. Nos batteries sont prêtes maintenant on peut ouvrir le feu sur la ville en partie et sur les ouvrages qui la défendent, qu’attend-t-on, je n’en sais rien car nous ne savons pas grand-chose, tout acteurs que nous sommes. Le corps d’observation attaque avec fureur les ouvrages de la tour Malakoff qui est dit-on la clef de Sébastopol qu’on prend à revers, les russes s’y défendent avec rage, nous avançons tout de même.
J’étais de garde à la tranchée lors de l’attaque la plus sérieuse sur Malakoff, du mamelon où j’étais j’ai pu suivre les péripéties de ce drame nocturne qu’on appelle un combat de nuit. Nous n’étions pas prévenus et le bastion du mât nous a écrasés de bombes et de baquets de mitraille probablement pour ajouter à l’effet de cette scène nocturne. Quelle fusillade, lumineuse dans l’obscurité et quelle canonnade de toutes les batteries russes et des vaisseaux. Je n’oublierai pas cette nuit du 14 Mars. Le lendemain matin les russes reprenaient une partie des embuscades qu’on leur avait enlevées, mais il faisait jour et on voit son ennemi ! Plus d’un parisien aurait payé cher la place pour voir, mais il est probable que le cri continuel de Gare la bombe ! & ce que nous entendions autour de nous en aurait dégoûté plus d’un. Je ne sais si je fais bien de vous raconter tous ces détails, mon cher ami, vous comprenez que les réflexions qui peuvent les accompagner sont toutes confidentielles entre nous. Je me garde bien de rien laisser connaître à ma pauvre femme et à ma famille du métier que je fais. Si je reviens un jour, ce que j’espère bien, ce sera le sujet des causeries du coin du feu, pour mes enfants et mes neveux.
Il y a dans la vie du soldat en campagne une révolution que l’homme qui vit dans l’état de paix ne peut ressentir et comprendre; les dangers quotidiens qui vous entourent finissent par vous trouver indifférent en quelque sorte, on s’habitue à cette vie-là et on sent moins le besoin de défendre moralement sa vie quand on sait que le lendemain il faudra l’exposer, et qu’à tout moment elle peut l’être. Chez l’homme intelligent, ce sentiment devient résignation, chez le troupier il se traduit par la dépense immédiate des quelques sous qu’il a gagnés à transporter des boulets ou faire des gabions dans la crainte de les laisser dans sa poche s’il est tué. Drôle de machine que la machine humaine ! Chez l’homme de coeur, le sentiment d’un devoir accompli avec honneur est une compensation à tous les sacrifices qu’il fait. D’ailleurs on pense peu dans la vie active de campagne, excepté quand on écrit aux gens qui peuvent vous comprendre, la vie matérielle vous occupe trop. C’est une grâce d’état dont il faut remercier la providence qui a toujours placé quelque soulagement à côté de la peine qu’elle nous inflige.
La mort de Nicolas (et même de Menchikov) n’a rien changé à mes yeux à la question; le siège de Sébastopol que nous poursuivons, rend la question de paix inacceptable pour la Russie et nous pouvons nous l’abandonner ? Voilà le résultat des questions poussées à l’extrême. Nous attendons les nouvelles de l’Europe, mais personne ici de sensé ne croit à la paix. C’est un duel où il faut que de grands amours-propres ou de grands intérêts s’immolent, quels seront les plus tenaces ?
Avec tout ce que je vous ai dit vous ne serez pas bien avancé pour connaître notre avenir, je ne puis vous parler de ce que je ne prévois pas moi-même, les plus malins n’en savent pas plus que moi. Quant à la chance des russes de nous jeter à la mer, je la crois nulle, ces gens-là se battent bien mais le jour où il s’agirait de nous attaquer dans nos positions, je crois que nous leur tannerons le cuir; nous perdrons du monde mais l’élan du soldat français les démoralise, nos charges à la baïonnette, et c’est là notre mot d’ordre, finissent par jeter le désordre chez eux. Nous avons le sentiment de notre supériorité sous ce rapport et c’est immense.
Je vous parlerai une autre fois de Sébastopol que sur la foi des journaux je croyais réduite en cendres. Les maisons blanches en sont magnifiques, les cloches y ont un très beau son et les chiens y aboient terriblement certaines nuits.
Nous bâtissons devant notre camp un mur en pierre pour arrêter les boulets qui le jour de l’ouverture du feu viendront se promener dans nos tentes, les champs en sont couverts ainsi que d’éclats d’obus et de bombes, nous allons à 2 lieues chercher des broussailles et des souches pour notre cuisine, il faut aller à 3 kilomètres pour l’eau. Tout a été détruit dans le pays où nous sommes, il reste la terre et des pierres, on prétend qu’il y avait des vignes et des arbres fruitiers !
Adieu, mon cher Adolphe, vous comprenez que cette lettre vous est toute personnelle et que si vous parlez de quelque chose il faudra ne pas nommer l’auteur. Mes réflexions surtout sont confidentielles. Que ma famille surtout ne puisse les connaître.
Je vous remercie de votre lettre affectueuse, vous serre la main et vous assure de ma sincère amitié. Alfred, devant Sébastopol le 22 Mars 1855
Devant Sébastopol le 23 Avril 1855
Je reçois à l’instant votre lettre, mon cher Adolphe, j’ai le cœur brisé par la nouvelle que vous m’apprenez sur le sort de ma pauvre sœur, je n’ai le temps de vous écrire que quelques mots car je pars pour passer la nuit à la tranchée et le courrier part demain matin. Je compte sur votre bonne amitié pour me donner quelques nouvelles sur la santé de ma soeur car ma pauvre mère n’est guère en état de le faire et d’ailleurs où est elle aujourd’hui ? Depuis un mois ma pauvre femme ne m’a pas écrit elle même, je n’avais pas besoin de ce nouveau et profond chagrin car j’ai bien de l’inquiétude depuis quelque temps. J’ai écrit à Caroline il y a quelques jours, j’espère qu’elle me répondra bientôt et que j’aurai quelques détails sur la position de ma mère, car je ne puis plus compter sur personne à Saumur. Tout ce que je vous ai dit sur notre position est de plus en plus vrai, nous avançons sur la place sans pouvoir éteindre son feu et cela nous coûte cher. Personne ne peut assigner un terme à une pareille lutte et dans de semblables conditions.
Je me porte toujours bien quoique j’ai payé mon tribut en arrivant (ceci entre nous) à ce triste climat de chaleurs et de brouillards.
Adieu, mon cher Adolphe, je vous serre la main bien affectueusement et bien cordialement. Je vous écrirai plus longuement un autre jour. A. de Sonnay
L’ange ci-contre, rescapé de la « chapelle du cimetière de Sébastopol détruite par les boulets, avril 1855« , constitue une « prise de guerre » rapportée par Alfred Becquet de Sonnay.
Devant Sébastopol le 28 Mai 1855
J’ai reçu votre lettre dans laquelle vous me donnez des nouvelles de ma pauvre soeur, mon cher Adolphe, je vous en remercie et je compte sur vous pour me dire franchement à l’avenir ce que nous devons attendre des soins qu’on lui prodigue. C’est une inquiétude pour moi à ajouter à tant d’autres, vous savez que ma pauvre femme est à peine convalescente de sa longue et douloureuse maladie, j’ai été rudement éprouvé depuis quelques mois et j’entrevois peu le terme de ces épreuves; une seule chose pourrait l’amener mais je suis si peu habitué à être favorisé par le sort que je n’ose y compter; ce serait ma nomination de lieutenant-colonel dans un régiment de France. J’ai été proposé encore dernièrement par le Général Canrobert d’une manière spéciale et par lettre particulière, quel en sera le résultat ?
Cité à l’ordre du jour de l’armée pour les combats du 1er mai et à l’ordre du 1er corps pour la défense des ouvrages enlevés aux russes le 1er mai, j’ai été fait officier de la légion d’honneur le 17 mai. Je ne puis vous donner de longs détails sur ces affaires pas plus que sur bien d’autres, le temps me manquerait pour les premières, la prudence m’oblige à ne pas parler des autres par correspondance.
Je suis chargé aux tranchées de la défense de l’ouvrage placé à 100 mètres du bastion du centre, c’est là qu’avec mon bataillon j’ai repoussé l’assaut d’une colonne russe dans la nuit du 13 au 14 mai. Rien ne peut donner à qui n’est pas acteur, une idée de ce qu’est le siège d’une ville ouverte devenue et devenant tous les jours place forte en présence d’une armée qui l’assiège sans l’investir; quand on fait un siège à l’état normal on éteint les feux de la place en s’en approchant, ici le feu de l’artillerie russe augmente plutôt que de diminuer. Il renaît quand on l’a ruiné quelques instants et cependant nous avançons toujours. Vous comprenez qu’une guerre comme celle là se fait à coups d’hommes…
Il est arrivé des renforts considérables, on a annoncé qu’on allait investir, on a changé le général en chef et nous sommes toujours en présence d’un ennemi qui se renouvelle et augmente; quelques reconnaissances voilà où tout cela a abouti. On fait des bulletins pour la prise de Kerch où on n’a pas tiré un
coup de fusil.
Les résultats seront peut-être très grands pour le préjudice porté à l’ennemi, mais tout cela ne nous fait pas entrer dans Sébastopol et les gens de bonne foi et pas trop vantards n’assignent aucun terme à une pareille résistance. Les chaleurs arrivent, que nous amèneront elles ? Si la France est inquiète du sort de son armée d’Orient, je ne crois pas que dans le fond du coeur personne ici la rassurerait franchement. Vous voyez que malgré la prudence dont j’ai parlé je vous dis à vous seul ce que bien d’autres que moi disent et pensent. Maintenant, mon cher ami, soyez convaincu d’une chose, c’est qu’il n’y a nul découragement ici dans l’armée, nos soldats nous donnent l’exemple de la résignation et du courage, ils sont héroïques, c’est le mot vrai. Mais la longueur de ce siège interminable, les fatigues excessives qu’il nous impose, va mal à notre caractère national et du reste l’hésitation du commandement rend tout le monde impatient. Nous aimerions mieux en finir à n’importe quel prix.
Pourquoi l’armée d’observation ne marche-t-elle pas en avant, voilà ce que tout le monde demande; pourquoi n’investit-on pas, seul moyen d’arriver à un résultat ?Le temps me presse, mon cher ami, le courrier va partir, ne voyez pas trop en noir ce que je vous dis, mais n’ayez pas trop confiance dans les bulletins. Je vous serre la main bien affectueusement. Soyez mon interprète auprès de votre famille. A. S.
Devant Sébastopol le 31 août 1855
Je voulais vous écrire depuis quelques jours, mon cher Adolphe, et j’attendais à savoir quelle était ma destination comme lieutenant-colonel, mais depuis 15 jours nous attendons vainement cette nouvelle par les courriers de France, il paraît que le travail n’est pas encore achevé au ministère. J’ignore donc complètement ce que je vais devenir mais je ne me fais aucune illusion sur ma rentrée en France que je n’ose certainement pas espérer car il y a des vacances nombreuses ici et il s’en produit tous les jours.
Je vous aurais écrit plus souvent, mon cher ami, mais je remets toujours à la semaine suivante, espérant avoir quelque bonne nouvelle à vous apprendre; malheureusement j’ai le triste privilège d’y voir clair dans certaines affaires et vous devez voir par mes prédictions que j’ai le double malheur d’avoir raison. Il y a longtemps que vous vous figurez en France, sur la foi des journaux, que nous allons monter à l’assaut et que dans quelques jours vous allez apprendre la nouvelle de la prise de Sébastopol. Je vous dirai (entre nous) qu’il n’y a pas d’assaut possible dans les conditions où nous sommes placés et en présence de pareils moyens de défense. Vous savez que l’armée ne manque pas de courage, eh bien tout son héroïsme irait se briser comme il l’a fait le 18 juin, contre des retranchements dont nous ne pouvons éteindre les feux d’artillerie.
Il n’y a pas d’exemple dans l’histoire des sièges qu’on soit jamais arrivé à 20 et 30 mètres d’une place dont pas un canon n’est démonté, cependant nous l’avons fait nous autres fantassins, le fusil d’une main la pioche de l’autre, sous un feu meurtrier et comme jamais place forte n’en a vomi avec ses calibres de terre (tandis que nous avons contre nous les gros calibres de la marine) nous sommes arrivés jusqu’au bord des fossés et puis nous sommes forcés de rester là à garder ces positions, ce qui fait que l’ennemi nous attaque maintenant avec des mines et que les horreurs de cette guerre souterraine sont venues s’ajouter aux autres déjà existant.
Vous comprenez, mon cher ami, que quelque vigoureusement trempé que l’on soit, quand on n’a pas la perspective d’en finir bientôt par un coup de main, on prend peu son mal en patience et il y aurait folie à vouloir tenter d’enlever de vive force des positions qui tous les jours deviennent de plus en plus fortes sans la moindre chance de succès.
On chemine sur Malakoff et on veut y entrer par un siège régulier, mais tout est irrégulier dans cette défense. Que de sacrifices ferons-nous pour arriver à couronner ses premiers ouvrages… Canrobert voulait laisser un corps de siège et faire son trou quelque part pour nous débarrasser de cette armée qui renouvelle sans cesse la garnison, pour bloquer enfin la ville, et il s’est trouvé seul de son avis, il n’a pas voulu prendre la responsabilité de conduire ainsi la guerre, il a eu le noble courage de quitter son commandement, il a emporté avec lui l’estime profonde des gens de coeur et l’affection des soldats qui l’aimaient comme leur ami; le système contraire à ses idées a prévalu, il y a plus de trois mois de cela et nous sommes toujours à la veille de prendre la ville; en attendant, croyez vous que les maladies et les souffrances ne sont pas venues nous assaillir; le Moniteur vous donne des chiffres officiels et puis en France on croit cela comme parole d’évangile.
Je ne manque pas de courage, mon cher ami, croyez le bien, mais la perspective de passer encore un hiver ici jette une tristesse profonde dans l’armée; quand j’ai abordé sur la terre de Crimée, il a fallu balayer la neige pour nous coucher et le thermomètre sous ma petite tente était à 7 degrés au-dessous de zéro. Comment ne pas s’apitoyer sur le compte de nos pauvres soldats ? Après les rudes nuits passées dans les tranchées sous les bombes et les obus, il a fallu y supporter des chaleurs suffocantes et des nuits humides à la suite, et puis au bout de tout cela, chacun se demande quand ça finira-t-il ? Jamais on n’a fait pour une armée des sacrifices pécuniaires comme ceux que l’on a fait pour nous, mais jamais on ne lui a demandé de pareilles fatigues. Elle a tout supporté mais enfin elle voudrait voir un terme à ses souffrances et elle ne l’entrevoit pas; qu’on nous porte en devant de l’armée russe; le jour où la charge battra et où le soldat avec son irrésistible entrain criera : En avant ! à la baïonnette !, nous retrouverons de l’enthousiasme, mais aujourd’hui il n’y a plus que de la résignation et le sentiment de l’honneur du drapeau.
1° Septembre
Je vous écrivais hier au soir et vous voyez la tournure que prennent mes lettres; ne vous étonnez donc pas si j’en ai déchiré plusieurs et si je suis si longtemps sans vous écrire; le courrier vient d’arriver et je n’ai pas encore de nouvelles de ma destination. Je continuerai à attendre au 43° où je ne fais plus rien, étant remplacé comme chef de division.
Vous avez sans doute lu un article russe intitulé « Prendra-t-on Sébastopol ? ». Cet article est vrai, je le crois, quant à la défense, quant au moral des deux armées; Alma, Inkerman et Traktir[9] sont là pour répondre. Les russes souffrent horriblement, nous leur faisons beaucoup de mal, mais leur gouvernement ne tient pas compte de cela et tout ce que nous pouvons espérer c’est de conquérir avant l’hiver la ville sud ou plutôt ses ruines ou nous ne pourrons tenir en repos sous le feu des portes du nord.
Je n’écrirais pas ce que je vous dis à une autre personne, vous comprenez que mon devoir est de le cacher, mais dans une armée française on a son franc parler en tout temps et l’on parle beaucoup.
Nous commençons à nous préoccuper des moyens de passer l’hiver en Crimée, chacun rassemble les éléments d’un abri, mais ils sont rares, et d’ailleurs qui nous garantit que nous ne changerons pas de place; nous touchons des vivres de campagne, c’est à dire du pain et de la viande, riz, sel, &… mais nous payons tous le reste au poids de l’or et encore souvent on ne trouve pas grand’chose; vivre de viande vous dégoûte, surtout pendant les chaleurs; les conserves et les légumes pressés sont une grande ressource, mais vous comprenez que toutes les bourses ne peuvent y prétendre; somme toute, mon cher ami, nous coûtons fort cher à la France et le scorbut (la maladie d’épuisement) frappe d’une manière désolante sur nos pauvres soldats qui finissent par succomber sous les fatigues qui leur ont été imposées. Je sais bien que nous sommes des chiffres destinés à résoudre le problème et que le succès justifie tous les moyens, mais c’est là précisément ce dont se plaint l’armée; elle n’a eu personne pour la conduire et la tirer de la position où elle se trouve à n’importe quel prix; nous sommes convaincus que nous aurions bon marché de l’armée russe qui est une brave armée, croyez le bien, conduite par de vigoureux officiers, et nous ne pouvons la joindre, le succès nous coûterait cher parce que ces gens là se battent bien et sont solides, mais la fougue de nos soldats les ébranle malgré eux et Dieu sait si on marcherait franchement dans l’espoir d’en finir. Laissons là les discussions de guerre, je ne puis vous donner des détails sur nos opérations, d’abord je ne les connais guère et puis ensuite toutes les descriptions ne peuvent donner une idée de ce que c’est qu’un siège; on s’entête à appeler cela un siège, je prétends que c’est un camp retranché et non pas une ville; or à la guerre on manoeuvre pour tourner ces positions et les faire tomber ensuite, ici nous les abordons de front. Enfin, mon cher ami, espérons que la solution du problème est moins éloignée que nous ne le prévoyons tous ici; j’ai certes le vif désir de revenir en France et de revoir ma famille et vous tous, mais je ne suis pas nostalgique et je sens que quand mon moral baissera, il y en aura bien d’autres qui auront déménagé.
Depuis six semaines j’ai eu du repos, nous avons été détachés pour construire les redoutes qui vont faire de Kamiesh un immense camp retranché, ces lignes ont un développement de 8 kilomètres et partent de la baie de Streletskaia, se dirigeant au sud et barrant le Cap Khersonese entier; comme partout ici il faut marcher à la pioche et à la mine, la terre soit disant végétale sur ces plateaux a bien un pouce d’épaisseur, le reste est carrière de très belle pierre, nous rentrons au vieux siège demain ou après : Le vieux siège c’est depuis la quarantaine au bastion du mât, ensuite viennent les anglais devant le redan et puis le nouveau siège devant Malakoff et les ouvrages blancs. Nous avons donné nos noms qui différent beaucoup de ceux des rapports de Gortchakov; ainsi sur la Tchernaïa les batteries russes de l’autre côté ont chacune leur nom qui finissent par rester dans l’usage habituel; pendant que je visitais le champ de bataille du pont de Traktir au-delà de la rivière, la batterie de Gringalet nous envoya quelques boulets qui eurent la galanterie de nous passer sur la tête; Flageollet, Bilboquet, Grain de sel… étaient muettes en ce moment. Ces batteries ne sont plus connues dans l’armée que sous ces noms donnés par les soldats qui trouvent à rire partout au milieu de leur misère.
…/…
Vous pourrez m’écrire à ma nouvelle adresse si (ce dont je ne doute pas) mon nouveau régiment est en Crimée; comme je ne puis guère avoir de réponse avant un mois, il est certain que j’aurais quitté le 43°. Les désignations de divisions et brigades sont à peu près superflues. (Mr… Lieutenant-colonel du … de ligne en Crimée). Tout débarque à Kamiesh et est dirigé ensuite sur les camps.
Donnez moi des détails sur le pays, ils seront bien intéressants pour moi. Assurez Caroline de ma sincère affection, embrassez pour moi mon neveu Frédéric et soyez mon interprète auprès de toute votre famille.
Le courrier va bientôt partir et plus heureuse que moi cette lettre arrivera bientôt aux bords de la Loire. Enfin il faut espérer qu’un jour aussi j’y retournerai; oh ! alors j’aurai bien des choses à vous raconter car j’en ai vu de bien extraordinaires depuis six mois en ce pays. Adieu, mon cher Adolphe, une lettre de vous est un bienfait pour le pauvre exilé, ne l’oubliez pas et rassurez-moi sur l’arrivée de celle-ci. Je vous serre la main bien affectueusement. A. de Sonnay
Camp du moulin d’Inkerman le 11 septembre 1855
Je suis sorti sain et sauf de l’assaut que nous avons livré avant-hier, ma chère Caroline, je m’empresse de vous rassurer tous sur mon compte.
Le 91ème fait partie de la 5ème Division (Général de La Motte-Rouge) du 2ème Corps. Ce sont les 1ère, 5ème et 4ème divisions qui ont donné l’assaut à Malakoff et au petit redan. Je crois rêver quand je pense à tout ce que j’ai vu, je n’ai pas le temps de vous donner des détails : cette immense victoire à laquelle nous ne comprenons pas nous-mêmes que nous soyons parvenus, en présence de pareils moyens de résistance et d’une défense désespérée comme celle-là, nous a coûté bien cher !
Je ne puis vous dire qu’une seule chose pour vous en donner une idée, à 4 heures du soir, blessé moi-même au bras droit par un biscaïen qui a eu le bon esprit de ne pas me le casser et de se contenter d’une contusion violente (ceci est entre nous, n’allez pas en parler à Marie), je recevais le commandement de la 5ème division, nous n’étions plus que 2 officiers supérieurs de reste. Sur le terrain cinq régiments de la Division et le 9 au matin, après une nuit que je n’oublierai pas et pendant laquelle j’ai vu sauter tout autour de nous et s’allumer l’incendie de Sébastopol, placé sur les ruines sanglantes de Malakoff que nous nous attendions à voir sauter aussi, je rentrais à 9 heures au camp du moulin d’Inkerman, ramenant avec moi cent hommes, quatre officiers et le drapeau mutilé du 91ème que je venais d’arracher sous une couche de 6 rangs d’épaisseur de………… sous les ruines encore fumantes de la poudrière de la courtine de droite qui nous a enseveli tant de braves gens……… Quelles scènes, quelles émotions !
Enfin Dieu a permis que je vous revoie un jour je l’espère, ainsi que ma pauvre femme et mes enfants, je l’ai remercié du fond de mon coeur !
Le jeune Multzer est blessé par une balle à la tête, mais ce n’est rien de dangereux, je viens de le voir.
Embrassez pour moi Frédéric et assurez Adolphe de ma bonne amitié, mes respects affectueux à toute votre famille, adieu chère soeur, puisse-je vous dire bientôt à revoir. Croyez à ma bien sincère affection.
Votre frère et ami, A. de Sonnay, 91ème de Ligne, 5ème Division du 2ème Corps, Crimée.
Extrait de l’historique
du
91° Régiment de ligne
Le 8 Septembre 1855, à la prise de Sébastopol, le 91°, refoulant les colonnes russes, s’installe dans la courtine du redan de Malakoff où il combat toute la journée.
Le drapeau du régiment avait été planté sur le parapet au-dessus d’une poudrière. Tout à coup retentit une terrible explosion saluée par les hourrahs des Russes; la poudrière venait de sauter. Le parapet est renversé dans le fossé et le drapeau est enseveli dans le gouffre.
Neuf officiers, MMrs Tellier, chef de bataillon, Lasserre, capitaine adjoint major, Ruch, Gillot, capitaines, Joly, lieutenant, Ganichon, porte-drapeau, Anglade, Blanc et Gautié, sous-lieutenants, disparaissent sous cette avalanche qui recouvre également une partie des défenseurs de la courtine.
Le lendemain, dès qu’il fit jour, le lieutenant-colonel Becquet de Sonnay réunit ce qui restait de soldats valides dans le régiment pour déterrer l’aigle. Les hommes, brisés de fatigue, retrouvèrent de l’ardeur et commencèrent cette tâche pénible. Après un travail de trois heures, le drapeau reparut enfin au fond du fossé, entouré des cadavres mutilés de ses défenseurs. Le porte-drapeau Ganichon tenait encore dans ses mains raidies par les convulsions d’une horrible mort, ce symbole de gloire dont la garde lui avait été confiée; l’aigle était détachée, la hampe brisée, les franges déchirées et sanglantes.
A 9 heures du matin, 296 hommes, derniers débris du régiment et 5 officiers, MMrs Becquet de Sonnay, lieutenant-colonel, Tuollais, Capitaine de grenadiers, Anouilh, Grandvalet, Capitaines adjoints majors, Mermet, Sous lieutenant, rentraient au camp escortant ce glorieux étendard, salués au passage par les cris enthousiastes des divisions de réserve venues pour prendre la garde de notre conquête.
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Sébastopol le 17 Octobre 1855
J’ai bien reçu votre lettre et celle de Caroline, mon cher Adolphe, je vous remercie de ce qu’elles contiennent d’affectueux pour moi; je ne me rappelle pas trop ce que je vous ai écrit le 10 Septembre, je n’avais pour but que de vous rassurer sur mon compte personnel à la suite de la terrible affaire de l’assaut de Sebastopol; les rapports des généraux vous ont donné une idée aussi exacte que la bonne foi des bulletins officiels le comporte de ce qui s’est passé (il eut été plus juste de dire que le 91éme était commandé par son lieutenant-colonel, que de répéter le nom du colonel qui était porté, et c’était vrai, commandant la brigade, mais ceci est une petite intrigue de bureau d’état-major, il y a des gens qui doublent leur valeur en supprimant celle des autres, ceci entre nous soit dit et pour votre édification personnelle; le pauvre homme est général véritable, aujourd’hui mais il a eu la clavicule cassée à 3 ou 4 heures en sautant sur la mine avec nous, ce qui a fait qu’il ne commandait même plus la brigade le soir).
La prise de Sébastopol défendue par une armée nombreuse et disposant de moyens immenses, est un fait unique dans l’histoire; vous voyez par le nombre de canons qui sont entre nos mains ce qu’il nous a fallu affronter pour arriver, n’étant parvenu d’avance à éteindre le feu d’aucun ouvrage. Depuis que nous avons pu visiter dans l’intérieur les défenses de la place, nous ne comprenons pas nous mêmes comment nous y sommes, même au prix des sanglants sacrifices que ça nous a coûtés. On vous dit tranquillement que nous avons eu 7.000 hommes sur le carreau, vous pouvez lire 12.000 si vous voulez lire la vérité; on ne compte dans ces rapports que ceux qui sont entrés dans les ambulances et pas ceux qui sont revenus se faire traiter sous la tente, dans les camps. Je vais vous citer un exemple de l’exactitude de ces chiffres : nous étions 6 à manger ensemble à notre popotte (pension). 1 chef de division tué, 1 colonel brisé et la clavicule cassée, 1 capitaine blessé d’une balle à la tête qui est rentré au camp sous sa tente et est mort 8 jours après, 1 chef de division blessé d’un biscaïen et d’une balle à la jambe, 1 lieutenant-colonel blessé par un biscaïen au bras, 1 médecin-major qui se porte bien. Ce total de 6 personnes a fourni 1 homme tué sur le rapport officiel, les autres n’étant pas entrés à l’ambulance ne comptent pas, même pour mémoire parmi les blessés.
Vous comprenez qu’il n’est pas difficile de trouver 7.000 en comptant comme ça; quant aux gens qu’on porte disparus, cela veut dire qu’on n’a pu les reconnaître au milieu du tas mais on les a enterrés comme les autres, attendu qu’il y a urgence en pareil cas. Je vous ai dit que le drapeau du 91ème qui a disparu un moment, dit le rapport (et il a raison) était encore enfoui le lendemain matin; j’ai dû faire cesser le soir les fouilles que nous faisions sous la fusillade du petit redan pour retirer les vivants ensevelis; fouilles qui nous ont coûté bien des braves gens et par conséquent trop chères pour ce que nous retrouvions souvent.
Quel affreux tableau offrait ce champ de bataille le soir quand nous nous sommes retirés sur Malakoff, attendant une nouvelle attaque des russes qui étaient restés maîtres du redan et des batteries en arrière de la courtine qui nous écrasaient encore mais qui n’ont pu nous faire quitter cette courtine si chèrement payée.
Quel drame, mon cher ami, que celui qui s’est dénoué le 8 septembre; c’est par miracle que j’ai échappé à l’explosion de la poudrière qui a sauté sous nos pieds dans un des moments les plus rudes de cette lutte, deux minutes avant j’étais à côté des gabions qui brûlaient depuis longtemps au milieu de nous, allumés par les obus qui pleuvaient exprès en cet endroit; aveuglé par la fumée et la poussière chassées par un vent violent, je remontais le parapet de la courtine, me dirigeant vers Malakoff d’où je pourrais enfin distinguer quelque chose au milieu de cette bagarre, lorsqu’un bruit horrible dominant tout cet affreux vacarme se fait entendre, une commotion terrible ébranle tout autour de nous, le ciel était obscurci, une épaisse colonne de terre, de blocs énormes de pierre, de poutres, d’affûts brisés… voyageait dans les airs au-dessus de nos têtes … il y avait plus encore que des machines inanimées… Renversé dans le fossé, j’eus le temps de me blottir la tête sous une pierre qui faisait saillie et puis j’attendis la chute de cette avalanche… quelques minutes après, je me relevais au milieu des malheureux qui m’entouraient, beaucoup étaient blessés ou tués, j’étais moulu, mes vêtements déchirés, mon pauvre bras déjà si maltraité par un biscaïen, encore plus contusionné, mais enfin j’étais sauvé ! Qui pourrait vous dire ce qui suivit et l’effet moral produit par ce désastre; la panique est facile au soldat français, mais il revient promptement; la courtine dégarnie un instant d’une partie seulement de ses défenseurs, au bout de quelques minutes était encore plus peuplée et la fusillade pleuvait de plus belle et ça pleuvait dru : Je revenais vers le lieu de l’explosion même lorsque mon pauvre colonel, emporté par des sapeurs, me recommanda le drapeau qui venait de disparaître… Le lendemain matin j’ai pu le retrouver enfoui sous … quel pénible souvenir. Pauvre 91ème, que de nobles victimes étaient encore là ! Dieu, qui m’accordera je l’espère, de revoir un jour ma famille et mes amis, n’avait pas voulu que je fusse du nombre de ceux qui, pleins de vie quelques instants auparavant et bravant cet ouragan de balles d’obus et de mitraille, venaient de mourir étouffés et broyés sous cet irrésistible cataclysme.
Enfin la nuit profonde amena un silence solennel et alarmant encore; qui pouvait savoir ce qui se préparait, retiré avec les débris de la 5ème division dans le fossé de Malakoff et les parallèles y aboutissant, attendant soit une nouvelle attaque, soit ce qui était bien plus terrible, l’explosion des mines que nous savions tous exister sous cette forteresse où étaient entrés plus de 10.000 hommes pour la défendre avec nous, j’interrogeais comme bien d’autres avec avidité l’obscurité de la nuit; nous écoutions de bruits lointains et nous attendions avec cette résignation solennelle qui vous soutient dans de pareilles épreuves ce qui allait arriver, lorsque de sombres nuages noirs soutenus par des colonnes de feu immenses couvrent le ciel : c’était le petit redan qui sautait, les batteries, en arrière, les poudrières du grand redan des anglais, le Fort St Foul (?), que sais-je, grand dieu, tout ce qui s’est élevé successivement dans les airs; et puis enfin Sébastopol dévorée par les flammes nous apparut d’un côté, pendant que les vaisseaux de la rade sautaient et coulaient; de longues traînées de poudre promenaient l’incendie sur tous les points… Du haut des débris de la tour de Malakoff (attendant notre tour d’y passer aussi) je contemplais ce sinistre spectacle dont l’horreur sublime ne peut être rendue par des paroles; un hasard providentiel avait sauvé l’armée française d’un désastre dont elle ne se fût pas relevée; quelques russes retirés dans l’intérieur de la tour de Malakoff et fanatisés, continuaient à tirer sur les soldats de la 1ère division déjà maîtres de l’ouvrage, pour en finir avec eux le général de Macmahon fit allumer du feu auprès des créneaux pour les asphyxier; quelques minutes après, effrayé lui même en songeant aux ruines qui étaient partout sous ses pieds et aux magasins à poudre, il ordonne d’éteindre le feu, on n’avait pas d’eau, on pioche la terre pour la jeter sur les gabions qui brûlaient, le fil conducteur électrique qui devait mettre le feu aux poudres se trouve brisé et rompu… Malakoff restait à nous si nous le défendions et Sébastopol était prise à jamais ! La France qui aurait appris la nouvelle d’un affreux désastre et la mort probable de plus de dix mille de ses enfants joints à ceux qui avaient déjà péri, la France n’a reçu que la nouvelle d’un triomphe immense; quelques coups de pioche, résultat d’une imprudence grave, nous avait tous sauvés ! Eh ! si nous avions su cela pendant la nuit du 8 au 9, nous n’aurions pas eu tant d’angoisses mais on ne s’en est aperçu que quelques jours après en débrouillant cet affreux et admirable chaos; voilà à quoi tiennent les destinées d’une armée, mon cher ami, l’homme s’agite et Dieu le mène !
19 Octobre.
Je viens de recevoir aujourd’hui seulement votre lettre du 14 septembre, elle s’est promenée longtemps parce que vous n’aviez pas mis 91ème de ligne.
Je vous ai donné quelques détails sur le 8 septembre, il faudrait écrire des volumes, mon cher ami, pour raconter les épisodes de ce drame sanglant, quels en sont les résultats quant à la campagne, les voici au bout de plus d’un mois, nous ne pouvons habiter Sébastopol, les forts de la rive droite de la rade et les nombreuses batteries que les russes ont établi de tous les côtés en rendent le séjour impossible. Nous avons pris les matériaux laissés debout encore (car ces sauvages là ont tout brisé) pour nous faire quelques abris dans nos camps; il est défendu de pénétrer dans la ville aujourd’hui, c’est dangereux.
L’armée russe retirée sur les plateaux du nord se prépare sans doute à y passer l’hiver, le 1er corps est allé faire une inutile marche de flanc dans les vallées de Daüdar (?) et au delà pour chercher des passages introuvables ou du moins infranchissables, pour pénétrer sur les plateaux de Makensie et tourner les forts du nord, on a embarqué une division de cavalerie et une d’infanterie pour Eupatoria; qu’y feront elles ? Une autre expédition pour un but inconnu (on dit Kinbourn aux bouches du Dniepr) est en route; l’hiver s’approche à grands pas et nous le voyons arriver avec une profonde tristesse; il faut donc faire au printemps prochain ce que nous pouvions faire cet été (Canrobert le voulait et c’est là le motif de sa retraite) tenir la campagne, tourner Sébastopol et l’isoler, par conséquent la conquérir. À quoi servent les flots de sang que nous avons versés s’il faut recommencer pour le nord ce qui a été fait pour le sud de la ville; ces gens là vont nous créer pendant l’hiver des obstacles comme ceux qu’ils avaient élevés ici, croyez vous que ceux qui sont sortis sains et saufs d’un pareil siège envisagent avec plaisir de recommencer. Quand nous sommes montés à Sébastopol, il fallait en finir, disait-on, nous voyons devant nous l’honneur militaire de la France sauvegardé et le retour dans la patrie de ceux qui survivraient à cette effroyable lutte dont nous connaissions depuis longtemps par expérience tous les dangers. Que nous advient-il à nous qui survivons aux soixante mille français que cette guerre a déjà coûté (n’en déplaise au Moniteur et à ses blagues) il nous faut passer l’hiver encore en Crimée, continuant une guerre dont personne ne voit l’intérêt français, mais dont tout le monde voit bien l’intérêt anglais; il nous faut, dis-je, rester à couvrir l’armée anglaise (notre éternel embarras quand il faut se remuer) qui s’installe confortablement pendant que nous courons les vallées de Daüdar &..elle s’immobilise, bâtit des maisons et nous gardons la Tchernaïa et je pars demain pour aller occuper les défilés d’Inkerman avec mon régiment, notre division (devenue 4ème division du 2ème corps) couvre Messieurs les Anglais qui ont envoyé l’armée sarde en avant, mais pas un anglais ne sera en face de l’ennemi. On vous parle de fraternité entre les deux armées, quel mensonge officiel ! Nous aimons les sardes mais les anglais nous les détestons plus que les russes, c’est là l’esprit de l’armée quoi qu’en puissent dire vos journaux officiels. Que voulez vous, mon cher ami, nous sommes toujours en rage ici quand nous parlons de nos bons alliés.
20 Octobre.
Le courrier va partir, mon bon ami, je suis forcé de vous quitter, on démolit ma pauvre cabane de planches que j’avais construite pour abriter mes chevaux pendant l’hiver, ma tente va s’abattre, il faut encore aller piocher, travailler sur un nouveau terrain; cette vie là est bien fatigante ! Hier soir est arrivée la nouvelle de la prise de Kinbourn, quelle valeur cela aura-t-il ?
Soyez auprès de toute votre famille mon interprète, vous comprenez que je ne puisse écrire à tous aussi longuement. Si jamais je revois la France, j’aurai bien des choses à vous raconter et je commence à douter moi-même de ce que j’ai vu, il me semble que ce sont des rêves ou plutôt des cauchemars qui m’ont traversé la tête. Mieux vaut encore cette guerre que celle des rues, Dieu veuille vous en préserver, en présence des rigueurs de l’hiver et de la disette qui dit-on se prépare. Assurez Caroline de ma bien sincère affection, embrassez pour moi mon neveu Frédéric qui verra dans cette longue lettre une réponse aux siennes.
Adieu, mon bon ami, je vous serre la main bien cordialement et vous assure de ma franche amitié. A. de Sonnay
ÉPILOGUE
Nommé colonel le 14 mars 1859, Alfred de Sonnay prend ensuite part à la campagne d’Italie au cours de laquelle il se distingue de nouveau au cours de plusieurs batailles. Quelques temps après son retour en France, il est mis à la tête du 1er régiment de grenadiers de la garde impériale dans lequel le prince impérial prend son premier grade.
Le 11 juillet 1867, il est promu général de brigade et nommé commandant de la subdivision de Nîmes puis de celle de Clermont-Ferrand. C’est de là qu’il part pour la funeste guerre de 1870 où il prend le commandement de la 1ère brigade de la 3ème division du 6ème corps, sous les ordres du maréchal Canrobert. Le 16 août, à la bataille de Gravelotte, emporté par son ardeur, il se trouve tout à coup au milieu d’une charge de la cavalerie prussienne où il est blessé d’un coup de sabre à l’épaule. Il prend ensuite part à toutes les grandes batailles autour de Metz, Saint-Privat, Servigny, Ladonchamps, et à toutes les opérations du siège. Fait prisonnier de guerre après la capitulation, il est interné à Düsseldorf. La paix rétablie, on lui confie le commandement de la subdivision de Mâcon, et c’est de là que sonne pour lui l’heure de la retraite. Le 10 septembre 1873 il rentre dans le cadre de réserve. Pendant cette carrière militaire si bien remplie, il a été nommé commandeur de la Légion d’honneur et des ordres de Sainte-Anne de Russie et du Mdjidieh, décoré de la médaille de Crimée, de la médaille d’Italie et de la valeur militaire de Sardaigne.
Historique du 91ème régiment d’infanterie de ligne[10]
Branche : armée de terre
Type : régiment d’infanterie
Devises : Tué oui – Vaincu Jamais » & « Sans Peur et Sans Reproche »
Hymne – Refrain : » Tu peux te fouiller, tu peux te fouiller. Si t’as, si t’as des poches. »[11]
Anniversaire : saint Maurice – Fête : 8 septembre (1855, Sébastopol).
Inscriptions sur l’emblème : IENA 1806, EYLAU 1807, SÉBASTOPOL 1855, SOLFÉRINO 1859, LA MARNE 1914, ARGONNE 1915, L’AISNE 1917-1918.
Guerres : Guerre de 1870, Première Guerre mondiale.
[1] Le futur général de Sonnay n’était encore que chef de bataillon (commandant) au début de la Guerre de Crimée. Il la terminera lieutenant-colonel.
[2] À partir du mois de septembre 1855, il commandera le 91e régiment d’infanterie de ligne, 5ème Division du 2ème Corps.
[3] Jacques-Alexandre Becquet du Vivier fut en effet nommé lieutenant des maréchaux de France, en la sénéchaussée et siége présidial de Montpellier, par lettres du maréchal de Tonnerre, du 29 juin 1770. Ces lettres, confirmées par lettres patentes du roi, du 16 juillet de la même année, furent enregistrées au greffe de l’élection de Chinon, en conséquence de l’ordonnance des magistrats de ce siège, du 5 octobre 1780.
[4] Par autres lettres du 24 décembre 1771, signées du maréchal de Tonnerre, Jacques-Alexandre Becquet du Vivier fut pourvu de l’office de conseiller rapporteur du Point-d’Honneur, au ressort de Chinon. Comme les précédentes, ces lettres furent enregistrées au greffe de l’élection de Chinon, le 5 Octobre 1780.
[5] Ancien fief « à foi et hommage lige et un roussin de service », signalé dès l’année 1268 comme appartenant à un certain Pierre de Sonnai, chevalier, un certain Geoffroy Taveau, baron de Mortemer, vend Sonnay en 1441 à Guillaume de Ballan et le 3 septembre 1446, une chapelle y est consacrée sous le vocable de sainte Catherine (d’Alexandrie), par Jean Bernard, archevêque de Tours. Mais le 13 décembre 1449, Charles VII le confisque à Jean de Xaincoins pour le donner à son premier chambellan, Guillaume Gouffier, par ailleurs baron de Maulevrier et gouverneur de Touraine. La terre et son fief passent ensuite à sa fille, Madeleine, qui l’apporte en dot le 16 mai 1481 à René le Roy, son époux, chambellan de Louis XI. Le fief reste alors dans la famille le Roy jusqu’au 3 mai 1591, avant d’être vendu par François le Roy et Renée de Bretagne son épouse, à Antoine de la Barre, seigneur d’Anglée et Hélène de Razilly son épouse. La terre est ainsi transmise en 1629 à René de la Barre, puis en 1680 à Claude de la Barre. Le 10 novembre 1770, le fief et la terre de Sonnay sont de nouveau vendus,. Mis à prix 10.000 livres, l’ensemble est adjugé pour 32.150 livres à Jacques-Alexandre Becquet du Vivier.
[6] Petit village du Maine-et-Loire, Courchamps appartient désormais au canton de Montreuil-Bellay.
[7] …et de cette union devait naître aussi une descendance rassemblant des noms tels que Simonet de Singly, Pecard, Taschereau des Pictières, Blouquier de Trélan, Saint-Exupéry, Churchill, Le Breton de Vannoise et enfin de Foucaud.
[8] Fils unique marié le 29 avril 1863 à Xavérine Blouquier de Trélan, Frédéric Becquet de Sonnay devait n’avoir à son tour qu’une seule fille, Marie Becquet de Sonnay née le 29 janvier 1864. En épousant Henri Le Breton de Vannoise, cette dernière devait avoir trois enfants, dont Yvonne qui épousera le Comte Paul de Foucaud, chef d’escadron, qui quittera sa Bretagne d’origine pour la Touraine. Ces derniers donneront naissance à Max (père de l’auteur) et Philippe de Foucaud.
[9] Bataille de la Tchernaïa, pont de Traktir (16 août 1855). Alors que le siège de Sébastopol s’éternisait, les Russes tentèrent une sortie contre les positions alliées au pont de Traktir sur la Tchernaïa, entre Inkermann et Balaklava. Dans la nuit du 15 au 16 août 1855, le général russe Michel Gortchakov, déclencha une série d’attaques furieuses qui furent successivement refoulées par les Français et les Sardes. Les Français se trouvaient sur la rive gauche, et les troupes sardes, après avoir traversé la rivière, forcèrent les Russes à une retraite désastreuse La lutte fut sanglante pour les Russes qui comptaient environ 50.000 hommes contre 12.000 pour les alliés. Rappelons ici que le royaume de Sardaigne était rentré dans la guerre du côté des alliés le 10 janvier 1855. Le roi Victor Emmanuel II et son ministre Cavour espéraient ainsi se gagner pour l’avenir les bonnes grâces de la France et de l’Angleterre, afin de pouvoir siéger le moment venu au Congrès de Paris.
[10] Source Wikipedia
[11] Selon le Recueil d’Historiques de l’Infanterie Française du Général Andolenko– 1969
Frédéric de Foucaud. 2013